Comprendre le centrage
et la stabilité longitudinale d'un aéronef
Par Laurent
Préambule
L'objectif de ce petit texte est de cerner les principes de la mécanique du vol sans avoir recours à des modèles numériques abstraits et des équations compliquées. L'idée est au contraire de « sentir » les éléments physiques qui garantissent un vol stable.
Pourquoi le centrage ?
Avant de se lancer dans des explications pour déterminer le centrage d'un avion (ce qui est en fait très facile), il est utile de comprendre les effets des forces s'exerçant sur un avion. Cette analyse est nécessaire afin d'adopter une approche rationnelle et systématique du réglage d'un avion. Les méthodes basées sur des recettes donnent en général de bons résultats quand l'avion est d'un type très classique (un trainer par exemple). C'est pourquoi il est préférable de comprendre les principes physiques et de conserver un esprit critique par rapport aux réglages préconisés ici ou là !
Afin de comprendre simplement les forces qui agissent sur un avion nous allons supposer que nous disposons d'un avion dont la résultante aérodynamique dépend d'une force s'exerçant sur l'aile et d'une autre s'exerçant sur le stabilisateur. En général, sur les avions classiques (comme un trainer), nous avons une force porteuse s'exerçant sur l'aile et une force déporteuse agissant sur le stabilisateur. En effet, le stabilisateur fait un petit angle en général avec l'aile de façon à contrer le couple exercé par la force de portance et le poids de l'appareil (qui dans le cas du trainer se trouve en avant du centre de portance).
Mais pourquoi est-ce stable ?
L'illustation 1 montre très clairement que deux couples antagonistes s'exercent afin de maintenir l'avion horizontalement. Considérons maintenant qu'une perturbation (aérologique ou du pilote) fasse piquer l'avion. Cette perturbation va avoir un effet sur la portance car l'incidence de l'aile est modifiée. En effet, l'aile va s'incliner en avant et l'incidence va devenir négative. La projection de la résultante aérodynamique sur l'axe vertical va diminuer et ainsi que la résultante sur l'axe horizontal. En d'autres termes, la trainée de l'avion va diminuer et l'avion va avoir tendance à accélérer. Ainsi le couple de rappel exercé par le stabilisateur va avoir tendance à augmenter du fait de l'augmentation de vitesse. Du coup, l'avion va avoir une tendance naturelle à se remettre à plat.
Au contraire si l'avion se cabre, la portance et la trainée vont augmenter induisant ainsi diminution de la vitesse et du couple de rappel exercé par le stabilisateur. Là aussi, l'avion va naturellement se remettre à plat.
La définition de la stabilité d'un système traduit la capacité de ce dernier à reprendre sa position initiale quand on l'écarte de la position d'équilibre. C'est bien ce que l'on observe ici.
Et le centrage alors !
Le paragraphe précédent n'avait pour but que de comprendre pourquoi l'avion était stable mais nous n'avons pas considérer la manière dont il retourne à son point d'équilibre. Le centrage a donc pour objectif d'ajuster le comportement dynamique permettant le retour à l'équilibre. Il est de notoriété publique qu'un centrage trop avant rend l'avion mou et peu manœuvrant tandis qu'un centrage arrière à tendance à le rendre vif et instable. Mais pourquoi ?
Si nous considérons un avion avec un centrage trop avant, le poids de l'appareil exercera avec la portance un couple piqueur puissant du fait de la distance accrue entre la portance de l'aile et le centre de gravité. Par conséquent, si l'avion est en piqué, le stabilisateur aura plus de peine à contrer le couple piqueur et il faudra attendre que l'avion prenne plus de vitesse pour l'effet de stabilisation devienne efficace. Si au contraire le centrage est arrière, le couple piqueur exercé sera plus faible du fait de la distance plus courte en portance et centre de gravité. Dans ces conditions, le stabilisateur aura moins de mal à contrer le couple piqueur et le rétablissement sera plus rapide.
Pourquoi ce n'est pas aussi simple ?
a) un angle piqueur ou cabreur sur le moteur
Les explications données ci-dessus sont valides car nous avons considérer que nous avions un vol stable pour une vitesse constante et que les perturbations amenaient de petites variations autour de ces conditions d'équilibre. Dans la pratique, un avion à la possibilité d'accélérer, ne serait-ce qu'en agissant sur la commande du moteur. Si aucune précaution particulière n'est prise, dans une configuration de vol à plat, une augmentation de la vitesse se traduit par une augmentation de la portance. Par conséquent, l'avion aura une tendance naturelle à prendre de l'altitude avec la vitesse. Il faudra donc que le pilote contre cet effet (s'il n'est pas désiré) à la profondeur. Une autre option consiste à mettre un petit angle (piqueur ou cabreur en fonction du centre de portance et de l'axe du moteur) afin de corriger cet effet. Si nous considérons un avion à ailes hautes les positions relatives du moteur et du centre de portance favorisent une prise d'incidence. Il faut donc donner un angle piqueur sur le moteur afin d'annuler l'effet. Ainsi l'avion gardera une trajectoire horizontale même si le régime moteur est modifié.
D'un point de vue pratique, une fois le centre de gravité déterminé et validé, on peut se concentrer sur le réglage de l'angle du moteur. On saura que l'angle choisi est correct quand l'avion reste sur une trajectoire horizontale quand on passe des pleins gaz au ralenti. Il faut également ajouter un autre angle sur le moteur appelé anti-couple pour compenser le couple dû à l'hélice mais ce point n'agît pas sur le centrage longitudinal de l'avion.
b) Le profil, la géométrie et la portance
Le profil et la géométrie influent sur la position du centre de portance et constituent donc des éléments à considérer pour déterminer la position du centre de portance. De plus, la position de ce centre de portance dépend aussi de l'incidence de l'aile ce qui fait qu'en vol cette position est amenée à se déplacer. Bref, les choses ne seront pas aussi simples et le choix de la position de centre de gravité sera donc bien une affaire de compromis.
c) Le bras de levier et la surface su stabilisateur
Le bras de levier allant du centre de rotation de l'appareil (foyer) au stabilisateur (en d'autres termes, la longueur de la queue de l'aéronef) agît également sur le centrage. Plus ce dernier est long, plus le couple de rappel exercé par le stabilisateur sera puissant. Il en est de même si la surface du stabilisateur est importante. Si le stabilisateur a une surface conséquente ou que la queue est longue, les petites variations longitudinales seront bien amorties. Si, au contraire, la queue est courte ou que la surface du stabilisateur est faible, le couple de rappel sera plus faible et la stabilité longitudinale sera moindre. Il faudra plus de temps pour retrouver la ligne vol suite à une perturbation. Par conséquent, la plage de centrage acceptable sera plus grande dans le premier cas car le couple de rappel est plus important. Ainsi, un tel aéronef centré trop avant sera certes moins manœuvrant mais sera moins sensible au déplacement du centre de gravité que dans le second cas.
d) Moralité
Il y a donc une zone qui conviendra pour placer le centre de gravité de l'avion. Cette dernière résultera donc d'une série de compromis techniques liés finalement à pas mal de paramètres mais offrira au pilote un comportement sain de l'avion. Le choix final du centre de gravité dans cette zone reviendra donc au pilote qui le déterminera aussi en fonction de ces goûts de pilotage (avion plus ou moins vif) et des possibilités techniques de réglages (sans ajouter de plomb). Le réglage se fera donc dans un premier temps sur des éléments parfaitement objectifs et dans un deuxième avec des éléments plus subjectifs.